A Hyères, deux villas construites au 19e siècle se distinguent par leur architecture de style orientaliste : la villa mauresque et la villa tunisienne. Un magnifique témoignage de cette époque éclectique. Dépaysement assuré !

J’ai toujours été attirée par l’architecture dite orientale. Aussi n’ai-je pas manqué de rendre visite à ces deux belles lors d’une halte dans la jolie ville de Hyères avant de rejoindre le lendemain une autre beauté : l’île de Porquerolles.

LA GRANDE VOGUE DE L’ORIENTALISME

Apparu au 18e siècle en Europe occidentale par fascination pour l’Empire ottoman, l’orientalisme prit de l’ampleur à la faveur de l’expansion colonialiste. Notons que pour les européens occidentaux, l’Orient est un concept général faisant fi de la géographie puisqu’il englobe à la fois le Maghreb et le Moyen-Orient.

Touchant tous les courants artistiques et mélangeant allègrement les styles, les civilisations et les époques, l’orientalisme ne fut pas sans créer de nombreux clichés. Mais n’en retenons ici que l’aspect créatif…

A partir des années 1830, cet esthétisme est largement adopté par les établissements de loisirs pour épater leur clientèle. A Paris, les cafés se font turcs et mauresques et les bains publics orientaux. Mais cet engouement exotique dépasse bientôt le cadre de la capitale et de la décoration intérieure.

La riviera, de par son climat proche à celui de l’Afrique du Nord, est le terrain privilégié de constructions orientalistes. Les expositions universelles, bien sûr, dont certains édifices sont d’ailleurs directement issus, mais aussi de nombreuses publications spécialisées sont les influenceuses de l’époque !

ALEXIS GODILLET, UN ENTREPRENEUR VISIONNAIRE

D’origine très modeste, Alexis Godillot (1816-1893) fit fortune en créant plusieurs entreprises commerciales et industrielles, et surtout en devenant le fournisseur officiel des régimes politiques successifs entre les années 1830 les années 1890. Si son nom vous rappelle celui de chaussures militaires, ce n’est pas un hasard !

Partageant son temps, comme de nombreuses personnalités de l’époque, entre Paris et la Côte d’Azur, il découvre Hyères vers 1860 et tombe immédiatement sous le charme.

Rapidement, Alexis Godillot devient le plus important promoteur et propriétaire foncier de la commune où il mène grand train. Même la reine Victoria d’Angleterre lui rend visite lors de son séjour en 1892. Visionnaire, il entame également l’aménagement du littoral, prévoyant le proche développement du tourisme estival.

En arrivant ici, je fus littéralement ébloui. Il me sembla avoir trouvé la terre promise et je résolus de ne pas aller plus loin.

Mais plusieurs de ses projets restent inachevés car sa réussite éclatante n’est pas sans irriter et susciter la jalousie, ce qui lui vaut nombre de procès et d’échecs politiques. Si, pour ces raisons, il ne devint jamais maire de la ville, son nom reste attaché à cette dernière qui lui doit une large part de son patrimoine (architectural, végétal et urbain).

HYÈRES, STATION CLIMATIQUE RÉPUTÉE

Depuis la fin du 18e siècle, Hyères se développe grâce à l’aristocratie anglaise en quête de soleil.

Afin de fidéliser cette riche clientèle et d’en attirer de nouvelles, Alexis Godillot décide de transformer la ville, avec son architecte Pierre Chapoulart (1849-1903), en créant dans sa partie ouest un vaste et élégant domaine privé (quartier des Îles d’Or) fait de parcs et de larges avenues bordées de luxueuses villas et de grands hôtels, plantées de palmiers et agrémentées de fontaines, de lampadaires et de bancs.

Parmi les très nombreuses constructions que l’on doit à Pierre Chapoulart, deux se distinguent par leur architecture de style orientaliste : la villa mauresque et la villa tunisienne.

LA VILLA MAURESQUE

Cette maison de villégiature fut réalisée en 1881 pour Alexis Godillot qui l’utilisait pour ses réceptions et la louait aux riches hivernants.

Si, par commodité, elle fut imaginée sur une structure classique contemporaine (salon, salle à manger, cuisine et bureau organisés au rez-de-chaussée autour d’un vestibule ; chambres à l’étage ; ouvertures sur le jardin et non sur des espaces intérieurs), c’est dans la créativité de son ornementation (arcs ; arabesques ; belvédère-minaret à coupole ; frises géométriques en carreaux de faïence…) et sa végétation (palmiers, orangers, yuccas…) que l’Orient donne toute sa mesure.

Elle est classée remarquable en zone AVAP (aire de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine).

LA VILLA TUNISIENNE

Trois ans plus tard, en 1884, Pierre Chapoulart, réalise cette fois pour lui-même cette villa où il élit domicile et installe également son agence. Même s’il n’a jamais quitté l’Europe, il construisit aussi de nombreuses autres villas de ce type, de Nice à Marseille.

La villa comporte 3 niveaux. L’entrée se fait par un perron avec portique couvert surmonté d’un balcon. Les façades présentent un décor de ciment moulé rehaussé de polychromie et de carreaux de faïence. Les pièces de réception du premier étage sont organisées autour d’un patio à l’origine à ciel ouvert.

L’extérieur (façades, toiture et clôtures sur rue), d’origine, a été classé aux Monuments historiques en 1999.

Ces deux constructions, encore privées aujourd’hui, ne sont visibles que de l’extérieur, mais n’en valent pas moins le détour. Si vous passez par-là, allez y jeter un œil ! ■

Villa Tunisienne
1 avenue Andrée de David-Beauregard – 83400 Hyères

Villa Mauresque
2 avenue Jean Natte – 83400 Hyères