En 2008, Virginie quitte Paris, où elle est directrice artistique freelance pour de grandes agences de communication. Retour à sa région natale. Premier choix de vie. Premiers renoncements de carrière. Dix ans plus tard, nouvelle étape : elle plaque l’agence d’événementiel médical dans laquelle elle travaille depuis huit ans à Marseille pour créer PROVENCE Chérie. Un projet tant professionnel que personnel avec une nouvelle vie d’entrepreneuse dédiée à ses différentes passions. Elle nous dit tout !
Au départ, quel fut le déclencheur du changement ?
Depuis trois ans, je m’éteins à petit feu. Alors que j’ai toujours exercé mon métier avec passion, je n’y arrive plus, je m’ennuie, j’ai besoin de retrouver l’envie. Au départ, je pense que j’ai juste besoin de changer de poste. Dans cet objectif, je suis donc une formation à distance durant deux ans et j’obtiens en 2017 un master en information et communication (mention bien, super fière !).
Et ensuite ?
Rien. Nada. Dégun, comme on dit à Marseille ! Sur la région, peu d’offres intéressantes et des salaires de misère. Le soleil a un coût, il faut le savoir… Je suis prise dans un paradoxe entre un rythme soutenu propre à l’événementiel et un ennui profond. Un grand écart douloureux.
C’est à ce moment-là que vous commencez à réfléchir à une vraie « porte de sortie » ?
Pour me changer les idées et ouvrir mes horizons, je me mets à la photographie. De manière compulsive. Je découvre Instagram et commence à poster une photo par jour, de Marseille et des environs, sous le pseudo NineGraph. Le nombre de followers, de commentaires et d’encouragements allant croissant, je me prends au jeu.
Je deviens alors photographiste, une contraction entre photographe (ma nouvelle passion) et graphiste (mon job initial). J’anime également le blog et les réseaux sociaux de l’agence qui m’emploie.
Passionnée par ma région, l’écriture et la photo, j’ai envie de créer un site dédié à la Provence, qui mettrait en avant ses acteurs : artisans, créateurs, marques emblématiques… Et je me dis alors qu’il pourrait aussi héberger un espace pro proposant aux entreprises pour les fêtes des coffrets-cadeaux sur mesure à offrir à leurs collaborateurs ou à leurs clients.
Et là, c’est le déclic !
Vous parlez des box beauté ?
Passionnée par la beauté, je suis toujours à la recherche de produits naturels aux formules pures et respectueuses, qui s’inscrivent dans une logique éthique et écologique.
J’ai donc l’idée de créer une box 100% française avec des soins cosmétiques sains issus de la Provence par l’origine de ses fondateurs, sa fabrication et la composition de ses produits.
Déjà, quelques noms me trottent dans la tête : de jeunes marques ou des marques plus établies qui font déjà partie intégrante du patrimoine provençal.
Reste à trouver le nom. Il me vient alors tout naturellement, telle une déclaration d’amour : PROVENCE Chérie.
Je suis très excitée à l’idée de monter ce projet qui, à l’époque, n’en est qu’à ses balbutiements !
Comment met-on un tel projet sur pied ?
Au printemps 2018, tout doucement, la petite graine commence à germer. Je m’abonne à des dizaines de blogs, je lis des centaines d’articles… Je suis au bord de l’infobésité !
Je découvre alors sur Facebook LiveMentor, une « école » dédiée aux entrepreneurs. J’aime le ton de leurs vidéos, leur pédagogie « à la cool » mais néanmoins très pro et leur concept : une communauté bienveillante, des rendez-vous programmés avec un mentor (coach).
Comme tout le monde, je crois, je commence par suivre de manière boulimique toutes leurs formations gratuites avant de prendre la décision d’en intégrer une pour « passer au niveau supérieur », comme on dit…
Mais à laquelle m’inscrire ? Quasiment toutes m’intéressent… Je reprends donc les choses dans l’ordre et calmement en me demandant de quoi j’ai besoin dans un premier temps. Réponse : d’un site internet !
Vous suivez donc une formation pour apprendre à le créer vous-même…
Un peu geek dans l’âme, cette idée m’excite. J’ai besoin d’un stimulant intellectuel. Acquérir les bases de WordPress en est un.
Mais côté financement, c’était compliqué (je vous passe les détails…) donc je n’ai pas d’autres choix que celui de casser ma tirelire !
Et me voilà partie pour 3 mois de formation intensive, en plus de mon job à temps plein ! Je n’attends qu’une chose : les week-ends pour construire mon projet. Dans la logique de mon compte Insta, le premier site que je crée est un porte-folio photographique : Ninegraph.photo.
Vous ne vous sentez pas encore suffisamment avancée dans votre projet pour créer d’emblée le site de Provence Chérie ?
L’entrepreneuriat est comme l’ascension de l’Everest. Donc pour cela, il fait être bien équipée. Or à cet instant, je ne dispose que de la « boussole » et de la « carte »…
A la rentrée 2018, je découvre alors sur LinkedIn les carnets de méthodologie pour entrepreneurs issus de la collaboration entre LiveMentor et 23heures59editions : « Carnet de projets » et « Carnet pour entreprendre » (Le « Carnet du temps » vient de compléter la collection, ndlr). Ce dernier me suit partout et m’aide au quotidien à clarifier mes idées et à les concrétiser. Je le remplis petit à petit, je construis mon persona (client-cible, ndlr)… et sans m’en rendre compte, je commence mon business plan.
Je me décide alors à acheter « piolet et crampons »… Je m’inscris à une autre formation sur le copywriting afin de me perfectionner en écriture web et de l’adapter aux différents canaux de diffusion (blog, newsletter, réseaux sociaux…).
Et comme j’ai besoin à nouveau de la bienveillance de LiveMentor et de sa communauté, qui sont des appuis essentiels tant au niveau pédagogique que psychologique, je décide d’assister en décembre à leur Live#3 dédié à « La passion d’entreprendre ». Et il en faut, croyez-moi ! J’y rencontre des entrepreneurs géniaux qui me partagent généreusement leur expérience. Encore mille mercis à eux !
Vous disposez donc désormais d’un équipement « de compète »…
Ca, pour être équipée, je suis équipée ! Mais attaquer l’ascension, c’est autre chose ! Après la signature de la rupture conventionnelle, fin novembre 2018, commence le parcours du combattant…
Quel statut juridique choisir ? L’Urssaf me renvoie à la CCI. Pôle Emploi, peu qualifié dans la création d’entreprise, ne m’est pas d’une grande aide. J’entre dans un monde inconnu avec des questions plein la tête et personne au guichet. A ce moment-là, les lourdeurs administratives sont chronophages et contre-productives.
C’est alors que je découvre les pépinières d’entreprises (une bonne solution dès que j’aurai besoin d’un local) et les couveuses. Je rencontre Claire de PCE (Provence Création d’Entreprises). A l’écoute et bienveillante, elle m’explique en quoi consiste le statut de « couvé » : après avoir déposé un dossier et être passé devant une commission, on bénéficie d’un accompagnement personnalisé (juridique, comptable…) et d’ateliers collectifs (marketing, vente…). On apprend à entreprendre (durant un an jusqu’à trois) et on teste son projet grandeur nature avant de se lancer seul.
Là, tout entrepreneur qui vous lit a les yeux qui brillent !
C’est vrai que je suis vraiment ravie d’avoir intégré cette couveuse ! J’ai rencontré lors du séminaire d’intégration d’autres « couvés » d’Aix-en-Provence et de Marseille. Un autre réseau avec lequel échanger, partager et collaborer.
A ce moment-là, que vous reste-t-il à faire ?
Pour l’heure, je suis donc OK avec :
- le nom (déposé à l’INPI) ;
- le statut juridique ;
- le site web (charte graphique, RGPD, CGV, etc.) ;
- les réseaux sociaux.
Prochaine étape : le sourcing. Rencontrer les marques, les partenaires… Et apprendre à « se vendre » avant de vendre. Pas vraiment mon truc à la base ! Nous sommes en février. C’est une étape pleine de questionnements, de doutes… : « Et si, et si, et si… » Je ne dors pas beaucoup !
Mais quand faut y aller, faut y aller !
Pas le choix ! Alors pour commencer, je contacte des marques que je connais, que j’apprécie ou que l’on m’a conseillées, en expliquant mon concept mais surtout pourquoi je les ai choisies, elles.
Justement, sur quels critères choisissez-vous les marques avec lesquelles vous souhaitez collaborer ?
Mon cahier des charges est très exigeant. Beaucoup de marques sont très attractives, mais lorsque l’on se penche sérieusement sur la composition de leurs produits, elles le deviennent nettement moins… Nombreuses sont celles à tenter aujourd’hui de se racheter une ligne de conduite en introduisant dans leurs gammes quelques produits vraiment nickels. Mais c’est encore loin d’être le cas de tous…
Pour être à même de juger de la qualité d’une « compo », il a fallu que je me documente aussi énormément, même si les applications qui existent aujourd’hui sont d’une grande aide. Je teste également moi-même tous les produits que je propose et les fais essayer à mes amies, qui ont des types de peau différents du mien, pour avoir plusieurs avis.
Souhaitant éviter « la boîte dans la boîte » (double-emballage), je décidais aussi que les produits seraient insérés dans un pochon, une pochette ou un tote bag. Mais bien sûr, là aussi une production locale. Eh bien, croyez-moi, ce ne fut pas une mince affaire, jusqu’à ce que je découvre enfin Marie La Pirate.
Les applications de ce type sont aujourd’hui nombreuses et il n’est pas toujours facile de savoir laquelle choisir. Un conseil ?
J’appelle déjà à se montrer méfiant car j’ai pu observer des différences notables entre les applications. La plus fiable est sans aucun doute INCI Beauty. Attention toutefois car la publicité qui apparaît à l’ouverture peut faire la promotion d’un produit par ailleurs mal noté… Eh oui, business is business !
Il convient aussi de faire preuve de discernement avec les produits labellisés « bio », un bon nombre d’entre eux étant moins naturels et performants que d’autres dont la marque n’a pas les moyens de payer le label dont le coût, annuel, est conséquent. Mais cela ne signifie pas que tous les produits naturels sont qualitatifs ! Il faut vraiment prendre le temps de se renseigner, de comparer… Une éducation à la consommation est devenue indispensable.
Quelle marque avez-vous contacté en premier ?
Ernest Ernest, dont la qualité des produits est absolument irréprochable. J’ai attendu fébrilement leur réponse sans oser contacter une autre marque… Le lendemain, j’obtenais un rendez-vous et nous nous sommes merveilleusement entendus. Non seulement ils ont été partants mais m’ont aussi encouragée et nous avons noué un véritable partenariat.
Une sorte de sésame, non ?
Complètement ! Le plus difficile, c’est toujours la première fois. Alors obtenir d’emblée une réponse positive m’a boostée pour continuer sur ma lancée avec enthousiasme.
Lors du salon Vivre Côté Sud, en juin 2018, j’avais découvert trois marques dont Atelier Sainte-Victoire et Jacotte chuchote. La première était présente dans la box de lancement et la seconde a signé la pochette des produits du coffret « Vacances en Provence »…
Cela aide certainement à se sentir de plus en plus légitime…
Tout à fait. Du coup, cela entraîne un cercle vertueux. Le bouche à oreille s’installe. C’est d’ailleurs sur les conseils d’amies que j’ai contacté le Laboratoire 4E et Cœur de Cigale. Et Marie-Claire, rencontrée lors d’un atelier de PCE, m’a quant à elle parlé de Fées en Provence.
Lors d’après-midi shopping à Marseille ou à Aix, je n’hésite plus non plus à évoquer mon concept. C’est ce qui s’est passé avec Panier des Sens. Sylvie, la responsable, m’a alors invitée à lui envoyer un mail, me disant qu’elle le transmettrait directement à la responsable marketing. Elle l’a fait…
Les marques adhèrent-elles facilement à ce concept de box ?
La plupart sont frileuses avec ce concept qui les oblige généralement à vendre à prix coûtant. Je dois donc leur faire comprendre que je ne me positionne pas dans la même logique de distribution que les autres.
Du côté des consommatrices, toutes ne sont pas non plus intéressées par cette logique de « colis surprise »…
En effet. C’est pour cette raison qu’en parallèle des box bimestrielles, les coffrets thématiques dévoilent à l’avance leur contenu et que tous les produits sont proposés individuellement dans la boutique en ligne.
Répondre aux attentes de chacun est une préoccupation essentielle. Une angoisse chassant l’autre, il fallait à présent toucher le public… Serait-il au rendez-vous ?
Quel est le meilleur moyen de le faire ?
C’est là qu’intervient la campagne de crowdfunding (financement participatif) qui permet de donner vie à des projets. Les plateformes telles qu’Ulule (pour laquelle j’ai opté) ou Kiss Kiss Bank Bank, avec contreparties en nature, permettent de mettre en relation des porteurs de projet avec des internautes proches de leurs valeurs, de leur univers de marque. Ces derniers ont la possibilité de soutenir ces projets à différents niveaux de participation.
A titre personnel, j’adore cette démarche. Participer à mon petit niveau à la création d’un concept, d’une marque qui me parle, qui me touche, en qui je me reconnais… je suis fan !
Comment se déroule une campagne de crowdfunding ?
C’est une épreuve en soi ! Une course de fond de 45 jours qui a la particularité de démarrer en sprint. Une course en 3 étapes :
- la famille et les proches (à hauteur de 30%), à toucher le plus rapidement possible pour pouvoir passer au cercle suivant (entre 48h et 4 jours) ;
- les collègues, les copains, les amis des amis (à mi-chemin) ;
- et enfin le grand public. Et ça, ce n’est pas une mince affaire !
Afin de faire connaître PROVENCE Chérie et de lancer sa campagne de crowdfunding Ulule, j’avais en amont fait tester les produits de la box de lancement à des bloggeuses et des journalistes. J’ai d’ailleurs eu quelques belles retombées Presse.
A 20 jours de la fin, le 1er palier était atteint. Les 2 500 € étaient collectés et la campagne validée. Le 31 mai à minuit, au final, 78 box étaient en précommande soit 131% de l’objectif initial, ce qui est un début tout à fait honorable et prometteur. Et j’en suis très heureuse !
Que retiendrez-vous de cette campagne ?
Une campagne, c’est très stressant. Mais ce qui m’a aidée à tenir, ce sont les petits mots gentils, les encouragements, l’écoute… de la part des amis, des copains, des collègues et des inconnus qui m’ont fait confiance, qui ont soutenu le projet et contribué à son lancement. Donc au final, c’est surtout ce soutien indispensable que je retiendrai.
Quel a été ensuite le programme ?
J’étais épuisée, mais ce n’était pas le moment de relâcher. Il fallait :
- préparer les envois des coffrets Vacances en Provence (fin juin, début juillet) ;
- commencer le sourçing pour la box de la rentrée (septembre) ;
- configurer le système d’achat/livraison et mettre en vente le coffret thématique Vacances en Provence sur le site ;
- ouvrir la boutique en ligne ;
- et enfin prendre quelques jours de vacances !
Et maintenant ?
Le système d’abonnement bimestriel sera lancé officiellement en septembre 2019 et je ferai un premier bilan à la fin de l’année. J’ai fait appel à un webmaster spécialisé dans le e-commerce pour m’aider sur cette partie. Il travaille actuellement dessus.
Les coffrets thématiques tels que « Vacances en Provence » seront proposés les mois où il n’y aura pas de box d’abonnement (par exemples : « Saint-Valentin en Provence » en février, « Découvre-toi d’un fil » en avril, « Monsieur Provence » et/ou « Vacances en Provence » en juin, et « Noël en Provence » en décembre). Ils intègreront des produits lifestyle ou porteront sur des thèmes totalement différents comme le « Coffret Gourmand » en octobre (à l’occasion du MPG 2019) pour s’accorder à des événements exceptionnels comme ici le MPG 2019 (année de la gastronomie en Provence).
En dehors du grand public, ciblez-vous une autre clientèle (les établissements hôteliers, par exemple) ?
Les hôtels haut de gamme de la région sont en effet une de mes cibles. La difficulté est qu’ils disposent tous ou presque aujourd’hui d’un spa rattaché à une marque. Mais je suis convaincue que travailler avec des marques locales qualitatives serait bénéfique à leur image et leur permettrait de se distinguer avec originalité.
PROVENCE Chérie est également référencée à l’Office du Tourisme et des Congrès de Marseille afin de pouvoir être l’objet de cadeaux VIP.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui souhaite se lancer ?
- Tout s’apprend !
- Ne pas attendre d’être au point à 100% pour agir (d’ailleurs on ne l’est jamais !) : il faut oser se lancer et parfois improviser.
- Monter un tel projet est difficilement compatible avec une autre activité : cela demande beaucoup de travail et d’énergie, donc de s’y consacrer pleinement.
- Redoubler d’enthousiasme car il est contagieux.
- « Qui ne tente rien n’a rien ! »
- Le nerf de la guerre, c’est la visibilité.
Un dernier mot, Virginie ?
Parce que PROVENCE Chérie est une aventure humaine avant tout, du fond du cœur, encore mille mercis à tous ! Et à très bientôt en Provence ! ■