J’ai récemment posé mes valises à Ajaccio où j’ai eu le plaisir et l’honneur d’être l’invitée de l’émission Génération Méditerranée – L’Hebdo diffusée sur France 3 Corse ViaStella et présentée par Caroline Ettori. Une fois n’est pas coutume, cette fois-ci c’est moi qui me suis prêtée au jeu de l’interview en répondant à ses questions…

Quel est votre dictionnaire amoureux de la Méditerranée : les trois mots qui la définissent le mieux pour vous ?

Art de vivre. Cette superbe expression, qui associe deux mots très forts, va bien au-delà du concept un peu fourre-tout de lifestyle que l’on emploie aujourd’hui à tout propos. Il y a je trouve dans cette manière d’être et de penser, cette volonté de rendre la vie toujours plus belle et plus douce jusque dans la simplicité du quotidien, cette aptitude à savourer la perfection de l’instant tout en cherchant à lui donner un goût d’éternité, quelque chose de typiquement méditerranéen.

Lumière(s). Sur les bords de la Méditerranée, la lumière possède un éclat très particulier. C’est une source d’émerveillement permanent qui a d’ailleurs inspiré de nombreux peintres et photographes. Mais la Méditerranée est aussi depuis l’Antiquité l’objet d’un rayonnement dont les frontières, tant géographiques que temporelles, ont été largement dépassées. Et elle continue de l’être malgré le fait qu’elle soit si petite à l’échelle de la planète car elle est si grande sur tous les autres plans !

Racines. Le bassin méditerranéen forme à lui seul un monde : 3 continents, 3 religions, plus de 10 langues officielles… Malgré ces différences et une histoire souvent tumultueuse, nous portons en nous un héritage commun qui remonte à des millénaires, des destins entrecroisés qui nous relient et font que nous sommes tous des Méditerranéens. Je pense d’ailleurs à un chanteur anglo-italien, Piers Faccini, qui à travers ses chansons (dont certaines comportent à la fois des paroles en italien, en arabe, de la musique de oud…) célèbre une Méditerranée sans frontières et suggère que notre vrai pays, c’est la Méditerranée et non un de ceux qui la bordent. J’éprouve un sentiment similaire. Bien que fortement attachée à mon pays et sans doute très française par bien des aspects, je me sens viscéralement méditerranéenne ! Et puis le mot « racines » me fait aussi penser à ma mère. Nous n’avons pas d’origines italiennes avérées, du moins dans les quelques générations qui nous précèdent (et bien que je démente rarement quand on me prend pour une Italienne !), mais lorsqu’elle passe la frontière, elle sent ses racines pousser, et moi des ailes ! Or, « la terre ne ment pas », dit-on. Le ciel non plus, sans aucun doute…

Vous avez d’ailleurs une tendresse particulière pour l’Italie…

La première fois que je suis sortie de l’Hexagone, c’était pour aller à Rome. J’avais 14 ans et j’en garde le souvenir ébloui d’un véritable coup de foudre, lequel se reproduit à chaque fois que j’ai la chance et le bonheur d’aller en Italie. Je ne perçois pas les défauts de ce pays, je ne vois que ses qualités. Comme nul autre, il a le don de me reconnecter avec la vie. Tout me met en joie là-bas. Et l’italien est pour moi la più bella lingua del mondo !

Comment vous est venue l’idée de créer Carnets Méditerranéens ?

J’ai toujours été journaliste mais auparavant dans un tout autre secteur, celui de ma formation initiale (psychologie et éducation). Or un jour j’ai eu envie, besoin de changement : de parler d’autres sujets, de rencontrer d’autres personnes… Et j’ai toujours eu cette passion pour la Méditerranée. Lorsque mon œil s’égare sur un planisphère, il revient toujours s’y poser car il n’y a que là que je sens mon cœur vibrer.

Quel est l’ADN des Carnets Méditerranéens ?

Au départ, c’est donc une vraie déclaration d’amour. Mais aussi la création d’un univers : celui d’une Méditerranée rêvée, entre nostalgie et utopie, d’une bulle d’azur bienfaisante pour les yeux, le cœur et l’esprit. Nous en avons tellement besoin ! Ce monde est dur et les lendemains ne s’annoncent pas particulièrement chantants. Nous venons en outre de traverser une période difficile, qui nous a malmenés à bien des niveaux et dont nous ne sortons pas indemnes. Nous avons donc un besoin vital de nous imprégner à nouveau de lumière, de chaleur, de beauté, de joie, de vie… De respirer, à tous les sens du terme. Et de retrouver les autres, le contact avec les autres. Or l’art de vivre méditerranéen est aussi dans ce rapport particulier à l’autre par l’hospitalité, la convivialité, le toucher… Renouer ce lien avec l’autre est une priorité. Cela m’est indispensable et je crois que c’est le cas pour beaucoup d’entre nous, ce que me prouvent chaque jour les échanges que je peux avoir avec les personnes qui me suivent.

Et à travers eux, d’une manière générale, quels sont vos objectifs ?

J’aspire encore et toujours à faire battre mon cœur de métier : écrire, que ce soit dans le cadre de la presse magazine ou de l’édition. Mais aussi à fédérer une communauté active autour des thématiques et des valeurs que je défends ; créer des partenariats ; accompagner des artistes, artisans, créateurs et producteurs dans leur communication ; organiser des événements permettant de faire découvrir ou mieux connaître ce merveilleux territoire, ses cultures, ses savoir-faire, ses enjeux…

Le beau et le bon ne sont pas des sujets superficiels

S’ils peuvent sembler plutôt légers au premier abord, j’ai coutume de dire que « léger » est le contraire de « lourd » et non de « profond ». Bien sûr, on peut aussi voir la Méditerranée sous son aspect le plus sombre : les conflits, la pollution, les drames de l’exil… Certes tout n’est pas rose derrière ce bleu. Il ne s’agit pas de le nier ni d’oublier cette réalité et il est nécessaire que certains s’en fassent les témoins. Mais à chacun sa mission.

Ce dont il faut avoir conscience, c’est que l’art de vivre fait partie de nos identités. Faire sa promotion peut donc être considéré comme un acte politique de résistance notamment face à la mondialisation qui tend à les anéantir en voulant tout uniformiser, ce qui engendre un appauvrissement culturel terrible.

A travers la mise en lumière de l’esprit méditerranéen et du partage des cultures, je souhaite aussi, à mon échelle, inspirer plus de tolérance. En montrant ce qui nous unit plutôt que ce qui nous divise. En montrant aussi que nos différences sont une source de richesse. Comme le disait Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis ».

Comment parvient-on à parler d’art de vivre à propos de pays où les droits de l’Homme ne sont pas toujours respectés, où la presse est bafouée au quotidien ?

Là encore, c’est une forme de résistance. Les politiques passent, les peuples restent. Et quand leur art de vivre est muselé, on les prive de leur identité. Beaucoup de régimes fonctionnent en effet de cette manière. Nous avons nous aussi été privés de notre art de vivre durant un temps. Même si le contexte était particulier, c’était d’une grande violence et sans doute y aura-t-il un avant et un après. A ce propos, pour revenir un instant sur l’Italie, je pense à l’espresso qui est candidat au patrimoine immatériel de l’Unesco. Il ne s’agit pas juste d’un jus noir au fond d’une tasse mais du pilier de tout un art de vivre. Il ponctue les journées des Italiens et c’est autant d’occasions de rencontres, d’échanges… Or nous l’avons bien vu durant deux ans : ne pas pouvoir aller prendre un café, partager un repas est extrêmement difficile car ces actions du quotidien portent en elles beaucoup de ce que nous sommes. Il est donc essentiel de promouvoir l’art de vivre et lorsqu’il est en danger, pour une raison ou une autre, de le défendre et de le protéger.

Et comment ne pas tomber dans le folklore ?

Lorsqu’on aborde d’autres cultures, il faut bien sûr le faire avec respect. Mais le respect ne peut pas faire l’économie de la connaissance. On peut très bien penser agir avec la plus grande bienveillance et se fourvoyer complètement parce qu’on n’aura pas une bonne compréhension des pays dont on parle. Cette connaissance passe en partie par la parole des personnes qui les font vivre. C’est pour cela, entre autres, que j’ai le goût de la rencontre, du portrait. J’ai d’ailleurs eu le plaisir d’interviewer hier Christophe Mondoloni, que j’avais connu à Paris au début de sa carrière artistique et qui est aujourd’hui adjoint au maire d’Ajaccio.

La transition est toute trouvée pour terminer en musique… Quel titre avez-vous choisi pour conclure l’émission ?

J’aurais pu choisir un titre de « Mondo » qui chante en corse et j’invite vraiment tous ceux qui ne le connaissent pas à le découvrir ! Mais il ne m’en voudra pas d’illustrer mon premier pays d’amour avec un titre qui véhicule beaucoup de joie : « Buongiorno a te » de Luciano Pavarotti. ■

Encore merci, de tout coeur, à Caroline Ettori, bien sûr, mais aussi à Thierry Pardi (directeur des programmes), Julie (maquilleuse) et toute l’équipe technique pour leur chaleureux accueil ! A prestu !

Retrouvez l’émission « Génération Méditerranée – L’Hebdo » en direct tous les dimanches de 12h23 à 12h48 et en streaming.

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